*flemme de faire un codage*o/
Dräkt
.PARTIE I.
Allongé dans mon lit, je revois ces boyaux d'acier s'entrecoupant diaboliquement, formant des lignes parfaitement géométrique, toutes parcourues de néons bleuâtres irradiant de lumière le tunnel oblong. L'image de dizaines de visage poudrés et incolores; ces masques grotesques du Capitole qui ne font qu'accentuer l'empathie mensongère de ses personnes sans scrupules.
Décidément, il semblerait que mon bref passage à la station de gare m’aie marqué. Au début, je ne supportais pas l'intensité des flashs qu'il vous envoie à la figure, mais j'ai fini par m'y habituer.
Se sentir au centre de l'attention, aussi mauvaise soit-elle, n'est pas une mauvaise chose.
En me levant, je me cogne le pied contre une espèce de caisse en plastique transparent.
Peu après notre arrivée, on nous avait conduits à nos locaux personnels et présentés à nos Muets, des pauvres gens qu'on avait réduits au rang d'esclaves à la langue coupée. L'idée de les voir se tortiller de douleur et pousser d'horribles cris bestiaux pendant qu'on les mutile sur des tables en fer me dégoûte. Lorsqu'il passe m'apporter un petit-déjeuner copieux disposé minutieusement sur un plateau argenté - notre mentor à insisté pour que l'on déjeune chacun seul dans son compartiment respectif-, je n'ose même pas le regarder dans les yeux.
Notre mentor, d'ailleurs, est un homme entre deux âges, un peu grisonnant. Il est très difficile à cerner, mais se montre respectueux avec nous, bien qu'il ai une forte tendance pour les jolies filles. Sans exagération, il s'est présenté à nous accompagnés de deux charmantes jeunes femmes.
Dit autrement, c'est un pervers, et ma camarade de district devrait vite s'en rendre compte.
Néanmoins, je dois bien avouer qu'il sait motiver ses troupes ; dès son arrivée dans le wagon luxueux, Philster Sherman, une tablette fine comme une feuille de papier sous le bras, nous a proposé quelques questionnaires visant à déterminer nos forces et nos faiblesses. Après quoi il nous a présenté quelques notions théoriques et tactiques pouvant nous être utiles aussi bien auprès des sponsors qu'une fois sur l'Arène, sous forme de débriefing 3d.
Il a notamment insisté sur la sensualité sauvage de ma camarade et mon aspect faussement candide et 'fragile'. Je n'ai pas bien compris ce qu'il a marmonné, mais selon lui, cela pourrait faire mouche notamment au niveau de la gente féminine.
Une fois au Capitole, Eryna s'est dit être ' aux anges' , et s'est immédiatement dirigée vers les boutiques clinquantes de la capitale, mais sans pouvoir y acheter quoi que ce soit. Plus je la regarde, et plus je me dis qu'elle n'est pas tout à fait comme les autres ; elle a beau venir du district de la pêche, sous ses mèches cuivrées se cache une personne qui aurait tout à fait pu naître ici. Peut-être est-ce une chance pour les Jeux, ou au contraire, un handicap ?
J'enfile à la hâte un ensemble en toile beige piquée de fil doré et me dirige vers le hall central, saluant d'un geste bref l'employé débordé qui manque de me renverser avec son serviteur à roulettes. Aujourd'hui est un grand jour.
Dräkt
.PARTIE 2.
Ma styliste applique une dernière pointe de gel coloré sur une mèche. Elle est si près de moi que je peux distinguer facilement chaque grain de poudre rosée déposé sur ses joues ou la moindre volute tatouée aux commissures de ses lèvres. Un miroir est posé à une petite trentaine de centimètres de moi mais j'ose à peine m'y regarder.
Ils m'ont légèrement adouci les traits en y disposant des touches de beige et de teintes claires. Je constate également qu'ils m'ont souligné le regard avec un trait pailleté et coupé les cheveux sur les côtés de sorte à créer un dégradé capillaire- chez moi, on appelle ce genre de fantaisies la coupe 'balai à frange'.
Concernant ma camarde Eryna- seule une fine plaque de verre nous sépare-, le changement a été on ne peut plus radical ; ses cheveux roussâtres moroses ont été lissé et éclairci, notamment au niveau des pointes, et des lentilles claires transforment ses yeux noirs si particuliers en sphères gris-bleu. Par contre, et à ma grande surprise, le maquillage se fait très léger et par petites touches seulement. D'ailleurs ,cela ne plaît pas particulièrement à ma chère camarade qui affiche une mine renfrognée.
Dès qu'ils jugent le maquillage suffisant, l'équipe de stylistes nous libère et entreprend de nous détailler son choix vestimentaire, chacune de leurs paroles bercées par cet accent sophistiqué si cher au Capitole.
C'est Shana, une vieille femme très mince aux boucles platines qui se lance la première. Elle parle aussi lentement qu'un vieux rouage dans lequel on aurait versé du miel.
"Mes chéris, vous êtes magnifique. J'ai demandé à l'équipe de travailler dans des tons pastels et très naturels. Voyez-vous, nous voudrions évoquer aux spectateurs des teintes représentant le côté suave de la mer, contrairement au côté agressif, réutilisé plusieurs fois au cours des précédentes éditions. Le sable clair, l'écume, la clarté abyssale... Vous comprenez ? "
"La Clarté Abyssale".Je jette un coup d'oeil dans le miroir. Sans les costumes, il est très difficile de s'imager ces propos.
Visiblement agacée, Eryna est la première à oser briser le silence :
"Oui, euh, et concrètement, nos costumes... Ils ressemblent à quoi ?
-Eh bien, je dois avouer que nous avons du lestement modifier les projets au vu des costumes.. , reprend-elle. Les styliste ont fait du travail for-mi-dable, très étonnant ! Venez, venez !"
Et elle éclate de rire. Les bourgeois du Capitole sont résolument très spéciaux. Shana nous invite à la suivre dans la pièce attenante, manquant de trébucher sur ses talons à fourrures.
Imaginez-vous un dressing, mais six fois plus grand. En effet, c'est dans cette large pièce feutrée éclairée par un unique spot azuré fixé au plafond que nous attendent les deux costumes, bien rangés dans leur écrin de velours.
De prime abord, en l'enfilant, j'avoue être brièvement dérouté par l'aspect de l'accoutrement. Les tissus sont épais mais très légers.
Il se compose d'une combinaison argentée très moulante, au-dessus de laquelle on nous fait enfiler une pièce centrale, taillée comme un plastron, faite de mailles rondes bleutées et rutilantes. Les manches, quant à elles se résument à deux longue pièces de fibres opalescentes à la texture cotonneuse que l'on fixe sur l'ensemble précédemment vêtue. Touches finales, les bottes grises , agrémentées de subtiles ailettes palmées, ainsi qu'une couronnes parfaitement translucide renvoyant la faible lueur ambiante.
La tenue d'Eryna est semblable en tous points, mis à part le 'plastron' qui pour elle se résume plus à une espèce de tunique courte.
"Mais vous n'avez encore rien vu ! , s'exclame un jeune styliste aux mèches mauves.
-J'attends de voir, je marmonne."
La guillerette équipe nous fait ressortir du 'dressing' et, une fois de retour dans la pièce principale, nous couvrent les yeux et nous mènent gauchement jusqu'en face des deux miroirs -je crois. Les longues mains gantées posées sur mon visage sentent la bergamote. En fait, elle ne sont pas gantées, c'est bien leur peau elle-même qui détient cet aspect caoutchouteux si particulier.
Il me faut bien trente secondes pour me réhabituer à l'éclairage si vif; la créature marine que je découvre en face de moi n'a rien à voir avec l'image du pêcheur réservé qui me ressemble tant. Je reste stupéfait devant cet halo irisé, ces enchevêtrements de micro-sphères ruisselantes de lumière pure. Je dois bien avouer que la tenue est exceptionnelle. En effet, les mailles du plastron ont été conçues comme de minuscules ellipses filtrant l'éclairage ambiant, ce qui, couplé au chatoiement du bizuth des manches, s'assimile aux bulles évanescentes qui remontent à la surface de l'eau. Les voiles impalpables situés aux extrémités de la combinaison ondulent doucement, comme bercés par l'onde abyssale.(
)
"Remarquable, n'est-ce pas ? , s'exclame l'ensemble de l'équipe.
Eryna est dans son élément. Elle s'admire, se détaille, examine chaque détail du costume. Son visage est rayonnant et dégage une aura chaleureuse, quoiqu'un peu alogique.
-Bon, on peut y aller ?, lance-je , impatient d'en finir.
Oui, je dois bien avouer que j'ai le trac.
"Oui, venez, mes cocos, le public vous attends !"
Un embauché du Capitole nous mène jusqu'à une grande salle obscure et humide, où sont entreposées les chars. Le notre, élégant et luxueux , est respectivement placé en quatrième position, attelé de deux immenses étalons gris perle. Je peux entendre d'ici les ovations et cris du public; j'entrevoie une petite partie du spectacle, et la grandiose rue marbrée qui accueille les Tributs.
En aidant ma camarade à monter, je me remémore intérieurement les paroles de notre mentor :
"Sois-toi même, n'en fais pas de trop, et conserve ce petit côté mystérieux qui te va si bien. Les sponsors vont adorer!"
Nous émergeons du sinistre tunnel, et je discerne sans difficulté chaque battement de coeur que j’émets. Le vacarme est impressionnant. Des gerbes colorées jaillissent des remparts et retombent en myriade de paillettes vermeilles . L’Hymne de Panem, glorieux et puissant, est diffusé en continu tandis que nous effectuons notre parade. Les cris, la répercussion des sabots sur le bitume, la montée d'adrénaline, tant de choses qui rendent ce moment absolument magique. Eryna s'est étendu sur la banquette, adoptant une posture bestiale et lascive, jouant avec les tissus aériens qui constituent son costume. Nous recevons des bouts de rubans, de papier, des bijoux...
Saluant la foule de gestes de la main, je jette un œil vers l'écran gigantesque qui surplombe l'arcade et diffuse notre image en direct. Nos tenues sont encore plus impressionnantes vue d'ici. Chaque fibre joue avec les effets de lumière, diffusant une auréole bleu sombre tout autour de nous, accentuant chaque touche de maquillage disposée astucieusement de façon à nous rendre surréalistes, comme deux êtres marins émergeant des profondeurs de l'océan. "Clarté Abyssale."
Oui, le terme est bien choisi.
Nous effectuons une dernière révérence tandis que notre char s'immobilise, rangé au côté des autres, devant l'immense demeure présidentielle. S'en suit le classique discours du Président Snow, cet être malsain en costume blanc. J'en profite pour détailler à loisir les autres tributs ; certains se font discrets et sur la réserve, tandis que d'autres se mettent en valeur et rayonnent d’orgueil. Des blonds, des rousses, des bruns, des bambins, des faibles et des corpulents; nous sommes une petite vingtaine d'adolescents ayant grandi trop vite, des pauvres malheureux qu'on a envoyé s'entre-tuer simplement pour le plaisir d'une unique nation égocentrique.
Les dernières clameurs résonnent dans les tribunes, je lâche la main d'Eryna et songe aux dures journées qui nous attendent. Au vu des rivales féroces qui nous entourent, elle s'annoncent particulièrement sanglantes.